Seconde Guerre Mondiale
 Soldats allemands emmenant un prisonnier américain
 
 
 

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Rapport d'évasion du T/Sgt Frank Garland Coon (matricule 34267235)
 

Le T/Sgt Frank Garland Coon a atterri près de Jouy Le Moutier (Val d'Oise, ex Seine & Oise)  le 11 juin 1944. Le bombardier B-26 à bord duquel il se trouvait a été abattu par l'armée allemande alors qu'il bombardait un pont ferroviaire à la confluence de l'Oise et de la Seine.

 

 

 

"J’étais mitrailleur à bord d’un Marauder et notre cible était un pont ferroviaire à la confluence de l’Oise et de la Seine.

La flak était intense et précise lors du largage des bombes. Il y avait trop de fumée au-dessus de la cible pour pouvoir constater le résultat des bombardements et nous étions en train de faire demi-tour à une altitude d’environ 12000 pieds (3600m) lorsque l’avion a été touché à quatre reprise par la flak.

Un tir de 88mm à l’arrière de l’appareil a endommagé les mitrailleuses arrières et légèrement blessé le mitrailleur arrière. Une explosion entre le mitrailleur arrière et moi-même et une troisième explosion près de la soute aux bombes ont fait de gros trous et a mis le feu au moteur. L’obus qui a explosé près de moi a soufflé la partie droite de mon pantalon et engourdi ma jambe. Il y avait deux gros trous de 1 pied (30cm) de diamètre de part et d’autre de l’endroit où je me trouvais.

Le mitrailleur arrière m’a appelé pour me dire qu’il était blessé mais je lui ai dit que son visage avait seulement été légèrement coupé par des éclats de verre. Par contre, ses mitrailleuses étaient hors d’usage et il s’est avancé vers l’avant près à sauter.

Toutefois, le pilote nous a informés que l’avion était sous contrôle et que nous devions restés assis. J’ai tiré la mitrailleuse vers l’intérieur car le système de largage était enraillé. L’ingénieur a ensuite déclaré dans l’intercom que le moteur était en feu et je pouvais voir les flammes par la soute aux bombes.

Lorsque j’ai entendu ce rapport, j’ai dit à l’ingénieur d’enfiler son parachute et de me passer le mien. L’avion a brutalement décroché mais le pilote a repris le contrôle vers 8500 pieds (2500m). Il devait toutefois avoir vu le feu lui-même puisqu’il donna l’ordre d’abandonner l’avion.

Le mitrailleur arrière a sauté le premier. Comme j’étais le seul sur intercom, j’ai informé le pilote que nous étions tous près à sauter et je lui ai souhaité « bonne chance ».

J’ai sauté et j’étais immédiatement suivi par l’ingénieur. J’ai attendu avant d’ouvrir mon parachute et j’ai atterri dans une clairière. Mon ingénieur a atterri non loin de là.

Nous avons ramassé nos parachutes et nous avons marché jusqu’à la lisière des bois où nous avons été abordés par 5 ou 6 français qui nous ont aidé à cacher nos équipements sous des feuilles.

Un homme nous a emmenés à travers bois pendant environ 15 minutes et nous a conduis à sa maison pendant que les autres faisaient le gué.

Là, on nous a donné à manger et on nous a donné une carte, une boussole et des habits civils que nous avons enfilés au-dessus de nos uniformes avec nos revolvers à la ceinture. Nous sommes restés là jusqu’à environ 18.00. Pendant ce temps-là, l’ennemi nous cherchait et a fouillé quelques maisons dans le voisinage.

Dans la soirée, nous sommes partis avec l’intention de contourner Paris par l’est et ensuite prendre la direction de l’Espagne. A la nuit tombée, nous sommes arrivés à la périphérie de Pontoise et j’ai abordé un français pour lui demander des renseignements sur le couvre-feu et les mouvements de troupes pendant la nuit.

Il nous a emmené à sa maison et après nous avoir donné quelques informations nous a dit que nous avions peu de chance d’atteindre l’Espagne et qu’il valait mieux se diriger vers Caen. Nous sommes donc repartis, cette fois en direction de l’ouest et après avoir maintes fois trébuché dans l’obscurité, nous avons dormi dans un bois à l’ouest de Pontoise.

Le matin suivant, nous avons décidé que nous marcherions le jour sur les routes secondaires plutôt que la nuit. Vers midi, j’ai approché un paysan qui nous a conduis à sa maison et nous a donné à manger. Il nous a dit que notre avion était tombé non loin de là et après l’avoir identifié moi-même, il a dit que 3 membres d’équipage avaient pu s’échapper et que l’un deux était blessé à la jambe. Nous n’avons pas pu avoir d’autres informations sur eux. Nous sommes repartis dans l’après-midi et nous avons dormi dans un champ au nord de Mantes.

Nous sommes repartis le matin suivant et nous avons atteint St Martin La Garenne. Nous avons progressé vers le nord le long de la rivière jusqu’à Vetheuil à la recherche d’un endroit pour traverser. Comme il y avait beaucoup d’allemands, nous sommes revenus sur nos pas jusqu’à une ferme près de Sandrancourt. Le paysan nous a indiqué une maison dans le village et nous a parlé d’une femme qui pouvait nous faire traverser en barque. Ce qu’elle fit.

Nous avons continué à marcher et nous sommes arrivés dans la soirée à Croisy. Là nous nous sommes rendus dans un café et après avoir pris du cidre, nous avons abordé le propriétaire. Il nous a donné de la nourriture et nous sommes restés là pour la nuit.

Le matin suivant, il nous a dit de prendre la direction de Conches et après avoir marché toute la journée, nous sommes arrivés à Conches. Nous avons dormi dans une ferme au nord de Conches et on nous a dit de contacter quelqu’un à Beau Mesnil.

Nous avons poursuivi notre route le jour suivant et nous sommes arrivés la nuit tombée à une ferme près de Beau Mesnil où nous nous sommes reposés jusqu’au lendemain midi. De là notre voyage a été organisé jusqu’à notre capture à 1km à l’est de Troarn le 23 juin.

Ce jour-là, nous avions été guidé jusqu’à environ 5 ou 6 miles de la ligne de front et on nous a laissé terminer la route tout seul. Alors qu’on se trouvait à environ 1000 yards (900 mètres) des lignes alliées, nous sommes tombés sur un convoi de munition ennemi qui était camouflé sur la route. Nous n'avions d’autre choix que de faire face.

Nous avions croisé sans problème 250 soldats lorsque qu’un caporal nous a appelés ; mais comme nos papiers indiquaient que nous étions sourds et muets, nous n’y avons pas prêté attention. Lorsqu’il nous a appelés pour la troisième fois, j’ai nonchalamment tourné la tête et fait en sorte que mon attention soit attirée par ses mouvements de la main.

Il nous a demandé nos papiers et comme je n’avais pas de photo, ma carte d’identité portait une des photos de mon ingénieur. Le caporal n’était pas satisfait et on nous a donc emmenés voir un officier.

Il ne semblait pas particulièrement intéressé par notre cas et ne semblait pas comprendre pourquoi le caporal nous avait amenés. Il a toutefois donné l’ordre qu’on nous fouille avant de nous laisser partir.

Juste avant que la fouille ne commence, j’ai remarqué qu’un officier s’était emparé de son revolver. Comme il n’avait rien de concret contre nous jusque-là, j’ai réussi à avertir Hartman qu’ils allaient probablement nous tester pour vérifier que nous étions réellement sourds et muets. Cette hypothèse s’est révélée correcte. L’officier a tiré un coup de revolver juste derrière nous. Toutefois, nous n’avons pas sursauté et les autres gardes se sont moqués de lui.

Un des gardes a fouillé la poche droite de mon manteau et a raté la carte mais lorsqu’il a fouillé la poche gauche de mon manteau, je savais que les jeux était faits et il a sorti mon pistolet qui par coïncidence était allemand. Les gardes nous ont immédiatement mis en joue et j’ai cru qu'il en était fini de nous.

L’officier nous a accusés d’être des espions mais j’ai ouvert ma chemise et je lui ai montré mon uniforme et j’ai sorti les plaques d’identification de ma poche.

Il parlait un peu anglais et m’a demandé ce que nous espérions trouver derrière les lignes. Je lui ai répondu que la seule chose qui nous intéressait était de traverser la ligne de front. Cela a quelque peu apaisé la tension et je lui faisais comprendre que je n’accordais aucune importance à son histoire d’espion. J’ai présenté la chose en plaisantant jusqu’à ce qu’il soit convaincu.

Lorsqu’ils ont découvert mon revolver, ils ont simultanément découvert celui de Hartman. Ce contretemps a interrompu la fouille jusqu’à ce qu’ils finissent de parlementer.

On nous a alors demandé de vider complètement nos poches et nous avons obéi.

Un officier a admiré mon couteau et je lui ai dit de le garder. Il paraissait très conciliant et m’a demandé de lui laisser également prendre l’étui. Je pensais que c’était une bonne idée d’avoir au moins un ami et il m’a promi que rien d’autre ne serait pris de mes effets.

Nous avons été emmenés à un QG d’artillerie où nous avons été interrogés. On nous a demandé sur quel genre d’avion nous volions, quand et où nous avions été abattus et le nombre de membres d’équipage. Ce à quoi nous avons répondus par nos noms, grades et numéros de matricule. Il semblait davantage déçu qu’irrité par notre attitude et a rapidement abandonné. Il était major dans l’artillerie.

Vers 22.00, on nous a emmené vers Bozule au QG d’une division et vers minuit, alors que nous étions en route, nous nous sommes arrêtés à un QG de la Luftwaffe (armée de l’air allemande) et on nous a enfermés dans un fumoir (Ndlr: endroit pour fumer la viande) pendant que les allemands décidaient si nous étions des prisonniers de l’artillerie ou de l’armée de l’air.

Durant la fouille, j’avais délibérément omis de remettre une carte et quelques papiers qui auraient compromis des amis et que je portais dans la poche gauche de ma tenue d’aviateur.

J’avais froissé cette carte en une boule de papier et j’avais profité de l’obscurité régnant dans la jeep allemande pour la placer dans la poche de ma veste civile. Je passais la boulette à Hartman afin qu’il la cache dans la grotte pendant que je montais la garde.

Il avait à peine fini de la cacher que j’allumais deux cigarettes, une pour chacun d’entre nous. La flamme de l’allumette a attiré l’attention d’un des officiers qui se trouvaient à l’extérieur. La porte s’est ouverte brutalement et on nous a donné l’ordre de sortir. Ils pensaient que nous voulions détruire des documents mais les cigarettes les ont convaincus qu’il n’en était rien. Nous avons toutefois été fouillés en détails mais ils n’ont pas fouillé le bâtiment et peu après nous reprenions la route.

Vers 1.00 environ, nous sommes arrivés à Dozule et on nous a mis dans une grange jusque vers 10.00 et on nous a de nouveau interrogés.

Notre interrogateur était un lieutenant des services de renseignements attaché à la division et nous avons été interrogés séparément. Il était très courtois et apparemment impressionné par mon salut et mon attitude et m’a invité à m’assoir. Il remplissait un formulaire avec mes détails personnels ; nom, grade, numéro de matricule qu’il avait trouvé sur mes plaques d’identification. Il s’exprimait sur un ton conversationnel et il m’a lu mes détails personnels et m’a demandé s’ils étaient corrects. J’ai répondu qu’ils étaient corrects et il a dit « Merci ». Il a ensuite hésité un peu et sur un ton désintéressé m’a demandé quel âge j’avais. J’ai répondu que je ne pouvais pas lui donner plus de détails. Il a dit « C’est OK, je me demandais seulement ; ça n’a rien à voir avec le rapport ». Il a poursuivi : « Naturellement, vous aimeriez faire savoir à votre plus proche parent que vous êtes sain et sauf ; qui devons-nous avertir ? ». Je lui ai répondu : « La Croix Rouge ». Il dit : « Oui je sais. Mais ça prend beaucoup de temps. Nous pouvons avertir vos proches par radio ». Je n’ai rien répondu.

Il ne m’a pas posé d’autres questions et mettant de côté mes effets personnels, il m’a remis un reçu pour les 30 livres sterling que j’avais en ma possession. Il a fermé son dossier, m’a offert une cigarette et m’a dit : «J’allais vous demander depuis combien de temps vous étiez en Angleterre, mais bien sûr je ne peux pas m’attendre à ce que vous répondiez. Je me posais simplement la question car j’y ai travaillé moi-même. ». Il m’a ensuite raconté comment il avait travaillé dans une bijouterie à Sheffield et il a fait de son mieux pour m’entrainer dans une conversation générale. Il n’a pas réussi.

Dans la soirée, j’ai été emmené en camion à Bonnebosq avec un S/Sgt qui avait été un officier de liaison pour les bombardements et avec un para britannique. Ce dernier avait environ 20 ans, cheveux blonds et frisés, 5’9’’ (1m75) et environ 11 stones (70kg). Il avait été parachuté sur une rive de la Dive et son radio sur la rive opposée et il s’était donc retrouvé dans l’impossibilité de communiquer par radio.

Le para venait de la 6th airborne Division et était âgé de 21 ans, 6 pieds (1m83), pesait 12 stones (76kg), cheveux bruns clairs. A Bonnebosq, on nous a placés dans une prison temporaire avec une trentaine de prisonniers.

Je suis resté là jusqu’au 3 juillet et je me suis échappé vers 14.00. Détails ci-dessous.

Comme je parlais un peu allemand, les gardes qui étaient pour la plupart plutôt du genre stupide, avaient de plus en plus confiance en moi jusqu’au point qu’on me laissait sortir sous escorte.

Pendant que j’étais dans ce camp, Sgt Major Edwards, 3rd commando, 1st Bde S.S. est arrivé et comme nous étions les plus vieux, nous avons discutés avec les autres des possibilités d’évasion.

L’opinion générale était que nous devions nous évader mais comme nous ne parvenions pas à nous mettre d’accord sur la stratégie, S.M. Edwards et moi-même avons décidé de prendre les choses en charge.

J’ai réussi à persuader le garde de choisir Edwards et moi-même pour aller chercher de la paille dans une ferme voisine. J’avais préalablement descellé les barreaux de notre fenêtre dans l’intention de nous évader cette nuit-là mais ça avait été découvert sans toutefois éveiller de soupçons.

Lorsque nous sommes arrivés à la ferme, le garde a suggéré que nous restions là pour déjeuner puisqu’il ne devait reprendre le service qu’à 15.00. Nous avons tout de suite accepté et lorsque le repas était fini, il était environ 14.00, j’ai suggéré que nous devrions retourner au camp. Il n’était pas vraiment d’accord mais Edwards et moi avions décidé que nous lui sauterions dessus alors qu’il franchirait le pas de la porte et que nous le désarmerions.

C’est ce que nous avons fait. Nous avons demandé au paysan de dire que nous n’étions pas loin à quiconque viendrait demander où nous étions. Nous avons commencé à marcher vers un bois non loin de là.

Malheureusement, nous n’avions pas de boussole et comme le temps était nuageux, nous ne pouvions pas nous orienter. A 18.00 nous nous sommes retrouvés à notre point de départ. Nous avions tourné en rond.

Lorsque nous avons réalisé que nous étions si près du camp, nous avons décidé de nous cacher pour la nuit étant donné que l’alarme avait sans doute été donnée depuis le temps.

Edwards a caché l’allemand dans un talus et je suis parti dans une ferme à la périphérie de Bornebosq et j’ai demandé le gite et le couvert. Ces gens ont immédiatement accepté de nous cacher et de nous donner de la nourriture, des habits, cartes et boussoles.

Ils nous ont envoyés une fille qui savait parler anglais et nous avons compris que nous devions nous débarrasser de notre ex-garde.

Il était assis à la table, la tête posée sur ses bras. Edwards lui a asséné un violent coup de crosse sur le crâne. L’allemand n’a pas été assommé et a au contraire bondi et sauté sur Edwards. Après une brève bagarre, l’allemand a dit qu’il avait besoin d’aller aux toilettes. Il cherchait probablement à gagner du temps.

On l’a emmené dans un buisson et la lutte a repris. Nous l’avons tué avec une baïonnette. Nous l’avons enterré mais nous avons dû nous cacher dans une grange car des allemands nous cherchaient. Heureusement, ils ne nous ont pas découverts et nous sommes restés à cet endroit jusqu’au 5.

Le soir du 5 juillet, nous sommes arrivés à St Pierre des Ifs en compagnie d’un sympathique réfugié et nous avons passé la nuit dans une grange. De là notre transit a été arrangé."

 

 

 

 

Sources:

 

Rapport d'évasion: http://media.nara.gov/nw/305270/EE-1126.pdf

 

Informations supplémentaires:

 

http://www.francecrashes39-45.net/page_fiche_av.php?id=2457 

 

 

 
     

 

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